France, mardi le 12 mai 2015.
Notre deuxième journée de recherche et d’introspection sur la Grande guerre nous amène tous d’abord au Cimetière d’Adanac. Celui avec la plus grande concentration de Canadiens que nous avons visité jusqu’à présent. Il y repose 1072 Canadiens, 1986 Britanniques, 53 Australiens, 70 Néo-Zélandais, 5 non identifiés et 1 Allemand. Le fait d’y voir un Allemand m’a poussé à réfléchir au sujet de la réconciliation postconflit et postmortuaire dans le cadre de quatre autres visites de la journée.
Le Mémorial Notre-Dame-de-Lorette est un immense cercle métallique où sont inscrits 580 000 soldats décédés, toutes nationalités, entre 1914 et 1918. Sur la plaque on y lit un message évident de réconciliation: « Érigé dans une Europe en paix pour évoquer une terrible tragédie qui a fauché une génération de jeunes hommes, qui, pour la plupart, savaient lire et écrire ». Ces mots sont puissants. Surtout l’allusion au fait que ceux qui se sont battus étaient civilisés au même titre que nous et qu’il faut demeurer conscient du résultat de nos actions. C’est comme si les morts nous avertissent de faire bien attention pour ne pas reproduire les erreurs de nos ancêtres. En ce sens, je passe le flambeau à mon garçon Félix, qui a appris à écrire son nom à l’école cette année. Un jour il comprendra qu’un ancêtre au même nom que lui et tombé au front, l’implore de prendre les moyens pour éviter qu’un autre conflit aussi sanglant ne se reproduise.
Juste en face de ce site se trouve la Nécropole Nationale de Notre-Dame-de-Lorette. Ce cimetière contient les dépouilles de 40 000 âmes « Mort pour la France ». C’est un site très touchant, car il contient une église en son centre. Le recueillement, devant le Christ, devient inévitablement une source de réconciliation. Et comme le hasard fait bien les choses, à ma sortie de l’église, une classe de jeune étudiant du primaire chante l’hymne national français lors d’une cérémonie de commémoration impromptu.
Troisième arrêt de la journée, Vimy. Ce monument est définitivement conçu avec un message de réconciliation en tête. Avec ces deux grosses colonnes entourées d’anges, j’y vois très clairement le message que ceux qui sont tombés sous le drapeau canadien ont bel et bien été redirigés vers le paradis éternel. Ce message m’interpelle énormément. Le monument m’apporte un grand réconfort. C’est simplement magnifique. J’ai la conviction que tous les Canadiens qui font le pèlerinage jusqu’ici retrouvent cette sensation de divinité qui permet de mieux se réconcilier avec les atrocités de la Grande Guerre.
Finalement, on s’arrête au Cimetière britannique Cabaret-Rouge. C’est de cet endroit que la sépulture du soldat canadien inconnu a été exhumée en mai 2000 et rapatriée au Monument commémoratif de guerre du Canada à Ottawa. Il nous est très utile, pour nous permettre de nous réconcilier, lors des cérémonies du 11 novembre. Inutile de vous dire que je ne verrai plus jamais ce monument de la même manière.
En conclusion, aujourd’hui fut une journée où toutes mes observations ont tourné autour du sujet de la réconciliation avec les évènements et les pertes. J’en garderai un souvenir de résilience face au deuil qu’a créé la Grande Guerre. De plus, les différents sites m’ont envoyé plusieurs signes d’espoir pour l’avenir. Surtout lorsque j’ai vu un groupe d’étudiants allemand assis dans les marches de Vimy.
Sébastien Picard